A l'occasion du printemps amazigh Tamaynutfrance presente, pour la premiere fois en France, le groupe AZA, qui se produit avec le groupe IMURIG, et ce le 24 mars à partir de 17h.
Salle de Berbère tv
1, ter rue du Marais 93100 Montreuil cedex
Source: www.tamaynutfrance.org
AZA : Les ambassadeurs de l’amazighité chez l’Oncle Sam
Par Lahsen Oulhadj
Après leur spectacle au théâtre Coronna à Montréal, le 16 juillet 2005, j’ai eu la joie de rencontrer nos deux mousquetaires amazighs. Toujours fidèles à cette modestie typique qui caractérise tant les Amazighs, le contact s’est fait sans chichi et le plus simplement du monde. À dire vrai, on dirait qu’on se connaissait depuis des années ; alors que l’essentiel de nos contacts n’est fait que juste par le truchement d’Internet.
Sans salamalecs, nous sommes donc sortis du théâtre pour aller discuter dans un café qui se trouve juste dans le voisinage. Attablés autour d’un verre, nous avons laissé libre court à notre discussion. Tantôt posant des questions à Fattah Abbou, le plus extraverti de nos deux musiciens, et tantôt poussant carrément son acolyte de toujours, Mohamed Aoualou à prendre la parole ; il est d’une nature très réservée. D’ailleurs ce dernier, dans une pointe d’humour, a qualifié Fattah, « du ministre de la parole », car il la monopolise systématiquement.
Apprentissage
Les débuts avec la musique de nos artistes n’ont pas été, comme nous pourrions l’imaginer, dans un conservatoire ou dans une école de musique. Ô que nenni. Ils ont commencé, comme tous les artistes amazighs qui les ont précédés, dans la meilleure des écoles, celle de l’autodidactisme. En d’autres termes, sans vouloir être ironique, ils ont suivi le parcous classique des artistes amazighs.
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© Lahsen Oulhadj |
« J’ai commencé tout seul et d’une façon on ne peut plus rudimentaire, nous avoue Fattah tout sourire, en fabriquant moi-même mon instrument à corde à base d’un récipient de l’huile à moteur, d’une barre de bois et des câbles de frein d’une moto. »
Ainsi, a débuté alors le long apprentissage de « grattage » sur cet instrument on ne peut plus modeste. Après une pratique de quelques mois, les premières notes jouées ne peuvent être que celles des rways, ce genre musical traditionnel qui est, et de loin, le plus présent et le plus répandu dans cette immense région amazighophone du sud du Maroc, qui est, selon l’expression de Mohamed une « mine d’or pour tous ceux qui ont un tant soit peu des penchants musicaux ».
Baigné depuis son enfance dans l’ambiance des arts musicaux du Sud, Mohamed, qui nous en a fait la démonstration lors du spectacle en esquissant quelques mouvements chorégraphiques dans la plus pure tradition ahwachesque, a quant à lui, n’a pu avoir une véritable guitare qu’à l’âge de 16 ans. Mais sa prédisposition à la musique et son auto-initiation grâce, lui aussi, à son instrument de fabrication personnelle, expliquent le fait qu’il soit devenu, au bout de quelques temps, un virtuose de la guitare.
« C’est là, nous dit-il avec son flegme habituel, que j’ai commencé à pratiquer sérieusement et assidûment mon instrument, à l’oreille et sans aucune connaissance du solfège. D’ailleurs, à ce jour, cette écriture musicale est comparable à du chinois pour moi. »
Entre temps, nos deux artistes continuent à écumer les « isuyas » et autres « isriren » - places où ont lieu les fêtes villageoises- de leurs régions respectives connues par la richesse incommensurable de leur héritage musical : ahwach, taskiwin, ahyyad, tahwwarit, ignawen… Avec une écoute appliquée des groupes modernes : Izenzaren, Archach, Oudaden, Osman, etc ; et des Rways dont bien évidemment les plus grands : Said Achtouk, Mohamed Albensir, Omar Wahrouch, Mohamed Amentag, ben Ihya Ou tznaght...
Fusion
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© Lahsen Oulhadj |
Comme nous pouvons le constater, nos deux artistes ont grandi dans un milieu où la fusion des musiques amazighes est de rigueur. De là, on peut expliquer cette quête continuelle de l’éclectisme dont par exemple et pour la première fois, à ma connaissance, l’utilisation du luth, dans l’expression des rythmes amazighs du sud du Maroc. Le résultat a été tout simplement épatant. A titre personnel, je n’aurais jamais pensé que cet instrument serait aussi bien adapté aux sonorités de cette musique.
« La musique est universelle, même si je sais que certains ne seraient pas contents que je l’utilise sous prétexte que le luth est un instrument arabe ; à mon avis, il ne faut pas fermer l’horizon de l’amazighité. Il faut l’ouvrir sur les autres cultures si cela va lui apporter davantage de richesses. Le luth est un instrument délicat qui demande beaucoup de pratique. Et je pense que son intégration aux rythmes amazighs a donné quelque chose d’original », nous assure Fattah qui croit dur comme fer à l’ « interculturalité » qui, prononcé avec un fort accent américain, revient comme leitmotiv dans ses propos.
Il faut dire qu’il est un multi-instrumentiste doué ; en plus de la percussion, du banjo, du luth, du lotar, il manie brillamment le rribab, cet instrument ô combien amazigh. D’ailleurs, il se peut bien qu’il soit utilisé dans leur prochain album. On attend impatiemment le résultat.
La première expérience musicale de nos artistes a été avec des musiciens ou des groupes non moins connus. Dans le cas de Mohamed, cela a été avec le grand Mellal. « J’ai participé à l’enregistrement de son premier album », dit-il. Quant à Fattah, cela a été avec Tilila, un groupe très célèbre dans le Souss et sa région pendant les années 80 et 90.
Les années fac
Le bac en poche, nos deux artistes débarquent à Marrakech pour s’inscrire dans le département de littérature anglaise de l’université de Qadi Ayyad. C’est là qu’ils ont fait connaissance grâce au cousin de Fattah, Bouhcine qui n’est que le chanteur vedette du groupe Tilila. Et depuis, c’est la grande amitié. Elle en a découlé, musicalement parlant, la naissance d’un groupe qui était très connu à Marrakech et sa région, Imdayazen. Cette formation a enregistré plusieurs albums qui tournent tous autour des thèmes chers au mouvement culturel amazigh (MCA) : identité, démocratie, universalité…. D’ailleurs, nos artistes reconnaissent très fièrement qu’ils sont redevables au mouvement amazigh. Ils se considèrent même comme ses purs produits. Pour preuve, il suffit d’écouter un laps de temps les compositions d’AZA pour s’en rendre compte.
Quant à leur avis sur la nouvelle vague de la musique amazighe représentée par Yuba, Agizul, Masnissa, Tafsut, Mellal…, les membres d’Aza trouvent « que c’est une très bonne chose de moderniser la musique amazighe. Mais il faut que les paroles soient accessibles. La complexité et les formules absconses sont tout simplement à répudier surtout en ce moment où le mouvement amazigh a besoin de s’implanter dans les masses. Il faut parler le langage de la simplicité pour que notre message soit audible».
À nous l’Amérique !
Licencié de l’université Qadi Ayyad, et devant les horizons bouchés, Mohamed a été le premier à partir en 1988. Destination les États-Unis. Au bout de trois ans, c’est le retour au Maroc. L’année d’après, c’est le retour une fois de plus aux États-Unis avec son ami de toujours, Fattah. Là, ils s’installent sur la côte Ouest, et plus précisément à Santa Cruz en Californie.
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© Lahsen Oulhadj |
C’est là que l’idée géniale de fonder un groupe amazighe a germé dans leurs esprits. Ce qui n’a pas tardé à se concrétiser avec la fondation du groupe AZA, un nom ô combien symbolique, qui a produit un premier album dont le succès est indiscutable tellement qu’il était original. Un deuxième est sur la route. Espérons qu’il soit comme le premier et même mieux!
Et cerise sur le gâteau AZA a pu, grâce à sa persévérance, décrocher une bourse du Conseil culturel de la ville de Santa Cruz pour organiser un festival amazigh avec la participation de l’infatigable anthropologue Hélène Hagan et du kabyle Moh Alilèche. Un festival qui a d’ailleurs eu lieu. Les échos que nous en avons sont très positifs. Une deuxième édition a toutes les chances d’avoir lieu l’année prochaine.
En outre, le groupe est en contact avec le seul Marocain qui travaille à la NASA, Kamal El Ouadghiri, qui semble-t-il est un amoureux de la culture amazighe, pour réaliser une autre manifestation culturelle à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA).
Quant au Maroc, à ce jour, AZA n’a reçu aucune invitation pour participer à la multitude de festivals qui y ont lieu. D’ailleurs, ce serait une bonne idée si les responsables de Timitar à titre d’exemple pensent à lui d’autant plus qu’il est originaire de cette région du Souss. Car il le mérite amplement vu la qualité indiscutable de sa musique. Mais comme l’a si bien exprimé Fattah sous forme d’un adage bien de chez nous : « ahwach n tmazirt ur a isshdar » ( la musique de chez nous ne fait pas danser). Mais l’espoir est permis !
En tout cas, le groupe AZA étudiera minutieusement toute proposition sérieuse en vue de participer à n’importe quelle manifestation musicale et même, pourquoi pas, faire une tournée au Maroc et en Europe. Pour le contacter, il faut juste se connecter sur son site Internet : azamusic.net
Ils vont probablement chanter ses paroles dans leur prochain album :
Ddan d irumiyen gin agh d ibarbarn
Ddun d waàrabn fkin agh idurar
Ifêd n tikkal a nsella i wawal an
Iz d a nalla, ar nsmummiy, ar nttals i tilli zrinin
Ngwin i wattân negh
Gelb at awa gh ixf nek, a tmdâram
Ikka d uhlâd aguns n tgmmi lli darngh
Kullu wand igan amaynu nazzl sis
Ndêrn, nettu agayyu negh, neskr gis u darngh
Lsagh, ar nsawal, ar nswingim zund nettan
Yak Ibn Tumert iga nit u darngh,
Ura yak Ibn Yassin iga nit u darngh
Ma yyi iga, mad agh iskr, ma yyid ifl
Is ghad lkemn is nakren izûran
Îtêfar ixsan aylligh gisen skrn izakaren
Source: azawan.com
Source: azamusic.net